jeudi 4 janvier 2018

Bombe cyclonique ou vortex polaire ?

Les Américains du Nord-Est n'ont vraiment pas de chance, ils sont régulièrement touchés par des phénomènes météorologiques de grande intensité qu'ils appellent des bomb cyclones.

Le Washington Post nous informe :
  • The unusual winter storm that pasted parts of Florida, Georgia and South Carolina with ice and snow Wednesday explosively intensified Wednesday night becoming one of the strongest East Coast winter storms in modern history.
    • La tempête hivernale inhabituelle qui a frappé mercredi des parties de Floride, de Géorgie et de Caroline du Sud avec de la glace et de la neige s'est intensifiée mercredi soir devenant l'une des plus fortes tempêtes hivernales de la côte Est de l'histoire moderne.
Un aperçu de ce "cyclone" est visible sur le site earth.nullschool.net :

Wind @ Surface, Date | 2018-01-04 16:00, source earth.nullschool.net

En fait ce terme de "bombe" n'est pas nouveau, puisqu'on le trouve dans une étude de 1980 intitulée Synoptic-Dynamic Climatology of the “Bomb”  (Climatologie synoptique-dynamique de la "bombe") et dont voici le résumé :
  • By defining a “bomb” as an extratropical surface cyclone whose central pressure fall averages at least 1 mb h−1 for 24 h, we have studied this explosive cyclogenesis in the Northern Hemisphere during the period September 1976–May 1979. This predominantly maritime, cold-season event is usually found ∼400 n mi downstream from a mobile 500 mb trough, within or poleward of the maximum westerlies, and within or ahead of the planetary-scale troughs.
    A more detailed examination of bombs (using a 12 h development criterion) was performed during the 1978–79 season. A survey of sea surface temperatures (SST's) in and around the cyclone center indicates explosive development occurs over a wide range of SST's, but, preferentially, near the strongest gradients. A quasi-geostrophic diagnosis of a composite incipient bomb indicates instantaneous pressure falls far short of observed rates. A test of current National Meteorological Center models shows these products also fall far short in attempting to capture observed rapid deepening. 
    • En définissant une "bombe" comme un cyclone de surface extratropical dont la pression centrale chute en moyenne au moins de 1 mb h-1 pendant 24 h, nous avons étudié cette cyclogenèse explosive dans l'hémisphère Nord durant la période de septembre 1976 à mai 1979. Cet épisode de saison froide à prédominance maritime se trouve habituellement à environ 400 milles marins en aval d'une dépression mobile de 500 mb, à l'intérieur ou en amont des vents d'ouest maximaux, et à l'intérieur ou à l'avant des creux à l'échelle planétaire. Un examen plus détaillé des bombes (en utilisant un critère de développement de 12 h) a été effectué pendant la saison 1978-1979. Une étude des températures de surface de la mer (SST) dans et autour du centre du cyclone indique qu'un développement explosif se produit sur un large éventail de SST, mais, de préférence, près des pentes les plus fortes. Un diagnostic quasi-géostrophique d'une bombe composite naissante indique une chute de pression instantanée très inférieure aux taux observés. Un test des modèles actuels du Centre National de Météorologie montre que ces résultats sont également loin de parvenir à capturer (saisir) l'approfondissement rapide observé.

Une carte figurant dans cette étude est assez instructive :

Source journals.ametsoc.org

On remarque tout de suite que le Nord-Est des Etats-Unis semble particulièrement impacté par ce type d'événement qui apparemment se reproduit de manière régulière avec plus ou moins d'intensité.

Adam Sobel nous en dit plus sur son site en nous aiguillant vers un article qu'il qualifie de moins technique que les études ci-dessus, intitulé Is “bomb cyclone” even a real thing? The origin of the scariest term in weather (Est-ce que "bombe cyclone" est une chose réelle? L'origine du terme le plus effrayant dans la météo ) :  
  • If you live on the East Coast of the United States, you are likely bracing for a massive winter storm expected to bring rain, snow, and ice from Florida to New England this week. You’re probably also shivering–not just from the bone-chilling temperatures we’ve all been experiencing, but because forecasters and the media have been using frightening terms like “bomb cyclone” and “bombogenesis.”
    •  Si vous vivez sur la côte Est des États-Unis, vous vous préparerez probablement à une tempête hivernale massive qui devrait apporter de la pluie, de la neige et de la glace de la Floride à la Nouvelle-Angleterre cette semaine. Vous frémissez probablement aussi, pas seulement à cause des températures glaciales que nous connaissons tous, mais parce que les prévisionnistes et les médias utilisent des termes effrayants comme «bombe cyclonique» et «bombogénèse».
  • Are these even real things? In a word, yes. According to the Weather Channel, “bombogenesis” refers to a “rapidly intensifying area of low pressure.” It comes from the term “weather bomb.” To classify as a weather bomb, “the central pressure of a low pressure system must drop at least 24 millibars within 24 hours,” TWC wrote in December. So there is real methodology behind it. 
    • Est-ce que ce sont des choses réelles? En un mot, oui. Selon le Weather Channel, «bombogénèse» désigne une «zone de basse pression qui s'intensifie rapidement». Elle vient du terme «bombe météorologique». Pour être classifié comme une bombe météorologique, «la pression centrale d'un système basse pression doit tomber d'au moins 24 millibars dans les 24 heures", a écrit TWC en décembre. Il y a donc une vraie méthodologie derrière.
  • In the last day or so, a flood of articles have used the term “bomb cyclone” to refer to the storm affecting the East Coast. Many of those articles cite the same tweet from Ryan Maue, a meteorologist with Weather.us, who predicted that the storm will fill up the entire Western Atlantic, have hurricane-strength winds, and pressure as low as Hurricane Sandy. So we can probably thank Maue for sparking the hashtag #BombCylcone, which was trending on Twitter the last time I checked. 
    • Dans le dernier jour, un flot d'articles a utilisé le terme «bombe cyclonique» pour désigner la tempête qui affecte la côte Est. Beaucoup de ces articles citent le même tweet de Ryan Maue, un météorologue de Weather.us, qui a prédit que la tempête remplira tout l'Atlantique Ouest, aura des vents d'ouragan et une pression aussi faible que l'ouragan Sandy. Donc, nous pouvons probablement remercier Maue pour avoir déclenché le hashtag #BombCylcone, qui était sur Twitter la dernière fois que j'ai vérifié.
  • In fact, the origin of these terms dates back decades. In a 2005 article for USA Today, Jack Williams explained that meteorologists started referring informally to sudden, intense storms as “bombs” in the 1940s. He also credited Fred Sanders, a pioneering weather forecaster with MIT, for popularizing the term weather bomb. Sanders, who passed away in 2006, described the phenomenon in a 1980 article for Monthly Weather Review, according to Williams.
    •  En fait, l'origine de ces termes remonte à des décennies. Dans un article paru en 2005 pour USA Today, Jack Williams explique que les météorologues ont commencé à se référer officieusement à des tempêtes soudaines et intenses comme des «bombes» dans les années 1940. Il a également crédité Fred Sanders, un prévisionniste pionnier en météorologie au MIT, pour populariser le terme bombe météorologique. Sanders, qui est décédé en 2006, a décrit le phénomène dans un article de 1980 pour Monthly Weather Review, selon Williams.
  • To summarize: “Bomb cyclone” and “bombogenesis” are terms that sound scary because they are. If you’re interested in learning more, there’s lots of good info here and here
    • Pour résumer: "Bomb cyclone" et "bombogenesis" sont des termes qui ont l'air effrayants parce qu'ils le sont. Si vous souhaitez en savoir plus, il y a beaucoup de bonnes informations ici et ici.


Et nous apprenons donc que l'inventeur du terme "bombe météorologique" est Frederick Sanders et que cela date en fait de 1964 :
  • Lance Bosart, Sanders’ first Ph.D. student at MIT, said Sanders used the term “bomb” in 1964. 
    • Lance Bosart, premier doctorant de Sanders au MIT, a déclaré que Sanders a utilisé le terme "bombe" en 1964.
Adam Sobel nous fait enfin part d'un papier qu'il a co-écrit avec deux autres scientifiques afin d'expliquer le phénomène du vortex polaire, WHAT IS THE POLAR VORTEX AND HOW DOES IT INFLUENCE WEATHER? (QU'EST-CE QUE LE POLAR VORTEX ET COMMENT INFLUENCE-T-IL LA METEO ? ) ; dans ce papier aucune mention d'une quelconque "bombe", mais il semble que les deux phénomènes soient liés d'une façon ou d'une autre ; voici ce qui me fait dire cela, le premier schéma en page 38 :

Fig. 1. Schematic of stratospheric and tropospheric polar vortices.

Difficile de ne voir aucun lien entre le vortex polaire troposphérique qui ondule sur les Etats-Unis et le phénomène de bombe météorologique qui frappe essentiellement le Nord-Est du pays.

Nous sommes donc en présence de phénomènes météorologiques extrêmes qui ne remettent évidemment nullement en cause le réchauffement climatique de la planète ; en effet, quand il fait froid quelque part il fait chaud ailleurs, pour s'en convaincre je remets sur le tapis la carte déjà montrée concernant les températures de novembre :

Note: Gray areas signify missing data.
Note: Ocean data are not used over land nor within 100km of a reporting land station. source data.giss.nasa.gov

En novembre les températures du nord des Etats-Unis étaient déjà sensiblement inférieures à la moyenne 1951-1980, alors que d'autres régions comme par exemple la Russie enregistreraient des températures largement supérieures à cette même moyenne ; il suffit d'attendre un peu et nous aurons les données de décembre (non disponibles à l'heure actuelle) dans lesquelles nous verrons à mon avis clairement un point bleu foncé sur la partie Nord-Est des Etats-Unis.

PS - On cherchera en vain, dans le papier d'Adam Sobel nous expliquant la nature des deux vortex polaires, la moindre référence aux anticyclones mobiles polaires (AMP) de feu Marcel Leroux...


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